ABDELKEBIR KHATIBI
QUELS HERITAGES ?

 

Abdelkébir Khatibi est décédé le 16 mars 2009. Quels héritages l’homme et l’oeuvre ont-ils laissés à la postérité ? Cet hommage est une tentative de réponse et une réhabilitation d’une de nos mémoires intellectuelles et culturelles les plus fécondes. On sait que l’étranger professionnel, tel qu’il aimait à se présenter, celui qu’il appelait après Segalen, l’exote, a résidé toute sa vie dans son pays natal, le Maroc. Il est, dit-il, « appelé – devoir d’écriture – à voyager dans les temps et les espaces, traversant ainsi l’épreuve de l’inconnu ». On connaît également sa curiosité intellectuelle et sa fidélité jusqu’au dernier souffle à son pays le Maroc, auquel, écrivait-il, « il devait sa naissance, son nom, son identité initiale, son histoire, sauf le récit de sa liberté d’esprit ». C’est précisément cette liberté que nous souhaitons explorer, reparcourir en sa compagnie avec cette hospitalité intellectuelle qui lui était coutumière et cette courtoisie des mots sculptés dans la nuance. Il portait sur le monde un regard perspicace, pertinent, sensible et lucide. Toujours à l’affût de nouvelles quêtes, ses pérégrinations invitent la pensée curieuse de l’Autre au partage des ressources du langage dans une intimité sans complaisance, convaincu que ce sont les intellectuels qui rendent possible le passage de l’action en oeuvre, quelle que soit la nature de cette dernière. Seule l’oeuvre permet d’entretenir la mémoire et tout artiste qui y contribue, devient un intellectuel engagé. L’homme réservé, souvent silencieux, parfois incompris, a su imposer ses idées au fil des années et ses ouvrages nombreux et importants attestent, s’il y a lieu de le rappeler, de sa large contribution à la littérature universelle. Écrivant en français et traduit dans plusieurs langues, il a pu toucher un public aussi large qu’éclectique. Car Abdelkébir Khatibi, c’est aussi l’homme d’un ensemble de disciplines et de divers genres littéraires. L’intellectuel romancier, poète et dramaturge est une figure de proue contemporaine dont la pensée est au coeur de notre modernité.
Bien avant la création du concept de littérature-monde, Abdelkébir Khatibi fut à l’avant-garde des changements de mentalités et de perceptions. A quoi tient ce palmarès atypique ? À une personnalité d’honnête homme au sens que lui donnait le siècle des Lumières, à un lecteur curieux et infatigable découvreur de textes.

Parce qu’il était un « traverseur » exigeant entre les cultures et les sociétés, Abdelkébir Khatibi incarnait le sens de la liberté engagée. Penseur hors frontières, il a cheminé entre la sociologie, la philosophie, la psychanalyse, la création et la critique littéraire avec plus d’une trentaine de livres. Ainsi, progressivement et contre des idéologies pugnaces et offensives, il a initié et développé au Maroc, en particulier, une stratégie d’écriture fondée sur la non-violence, éprise des marges, respectueuse de la différence et résolument tolérante. Legs précieux à l’humanité, elle réclame de nouvelles lectures et de nouveaux questionnements. Afin d’honorer la mémoire de cette personnalité, qui de son, vivant ne faisait pas partie des académiciens que compte l’institution, et de perpétuer le questionnement autour des thématiques chères au défenseur de l’aimance, de la bilangue et du Maghreb pluriel, l’Académie du Royaume du Maroc organise les 20, 21 et 22 mars 2019 un colloque international sous le titre « Abdelkébir Khatibi, quels héritages? »

Écrivains, chercheurs, artistes, universitaires, doctorants sont conviés à un débat fécond, critique et ouvert porteur des héritages possibles de l’oeuvre de Abdelkébir Khatibi alimentée par d’autre oeuvres qui lui sont proches. À la faveur d’approches pluridisciplinaires et de connexions entre créateurs, nous souhaitons que cette exploration recouvre les divers champs intellectuels parcourus par l’écrivain qui, de la sémiologie du signe et de l’image à l’essai, en passant par la poésie, le roman et la critique littéraire, composent l’itinéraire d’un penseur cosmopolite.

 

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