L’Islam dans l’Antiquité Tardive
Depuis quelques décennies, les recherches sur l’Islam, principalement dans les pays économiquement développés, connaissent des avancées remarquables, grâce à des sources et à des données nouvelles, conjuguées à des approches méthodologiques issues des disciplines des Sciences Humaines.
Jusqu’au début des années 70, la part consacrée à la Tradition Islamique était prépondérante et conditionnait les recherches dans les domaines ayant trait à l’Islam. Depuis, de nouvelles approches ont laissé de côté toute considération théologique ou religieuse pour se focaliser sur les données et l’analyse de la production historiographique d’un point de vue critique. Par ailleurs, l’émergence de l’Islam s’envisage aujourd’hui dans les contextes de l’environnement plus ou moins large dans le temps et dans l’espace de ce qu’il est convenu de nommer l’Antiquité Tardive.
Cette période, située entre l’antiquité et le moyen-âge a été considérée comme une période de décadence du point de vue de l’empire romain avec l’irruption des peuples du nord que l’on nomma barbares. Au début du XXI siècle, la vision a changé et l’on considère aujourd’hui que ce fut plutôt une période d’évolution et de transmission des acquis de l’antiquité avec l’élargissement du champ de vision et d’étude qui était centré sur l’empire romain et l’Europe.
De nouvelles données ont été obtenues grâce à différentes disciplines telles que la codicologie, l’épigraphie, l’archéologie, etc. Ces avancées sont le fruit d’études et de recherches d’équipes basées pour la majeure partie dans les pays économiquement avancés ayant des liens historiques avec le monde arabo-musulman.
Du côté des pays arabo-musulman, l’Histoire des débuts de l’Islam est intimement liée à celle de la religion et des conditions sociopolitiques de son émergence. En effet, selon la Tradition islamique, dès la mort du prophète de l’Islam en 10/632, s’est posé le problème de sa succession. L’accès aux premiers temps de ces évènements se fait par des écrits dont les plus anciens datent des débuts du VIIIème siècle et les sources externes sont rares. Une intense activité intellectuelle s’est développée sur fond de conflits religieux, théologiques et politiques, dûs à l’intégration dans le nouvel Etat islamique des cultures des pays conquis durant la période d’extension de l’empire arabo-musulman (grecque, perse, indien) et des luttes pour le pouvoir. A l’approche rationaliste du Mu3tazilisme, dominant jusqu’en 847, se sont opposés différents courants se réclamant de la Tradition du Prophète et de ses compagnons et représentés par les quatre courants majoritaires (malékisme, chafi3ismE, Hanifisme, Hanbalisme). Le Triomphe de l’orthodoxie sunnite avec le calife al-Mutawakkil (847-861) et la promulgation en 1019 par le calife abbasside Ali Alqadir (947-1031) d’un édit interdisant toute exégèse et toute interprétation en matière d’Histoire et de religion ont conduit à une sacralisation de l’Histoire qui a rendu difficile, voire impossible toute analyse critique dans le monde islamique.
Les contacts de l’Empire ottoman avec l’Europe, son affaiblissement, et la campagne napoléonienne de 1798 en Egypte, ont conduit à l’émergence d’un courant réformateur ou (Nahda ou Renaissance) qui a concerné les domaines religieux, culturel et politique, particulièrement en Egypte. Au début du XXI ème siècle, une vision moderne de l’Histoire commence à émerger avec le développent de la critique historique et une réappréciation du passé. Cela se continue en ce début de XXI ème siècle avec de nouvelles générations d’intellectuels dans les pays économiquement avancés et plus de difficulté dans les pays arabo-musulmans, malgré un retour du conservatisme et du fondamentalisme religieux.
Le cycle de conférences proposé sur l’histoire de l’émergence de l’Islam dans l’environnement de l’Antiquité Tardive, période dont les limites sont variables, mais qui englobe les huit premiers siècles de l’ère chrétienne, permettra de faire un état de lieux de l’ensemble de ces connaissances pour enrichir la réflexion, susciter le débat et le questionnement, contribuant ainsi au renforcement et à la diffusion de ces nouvelles approches dans la connaissance de l’histoire de l’émergence de la civilisation arabo-musulmane.