C’est au début de 2023 que sera commémoré le 80ème anniversaire de la conférence d’Anfa tenue en janvier 1943. Cette rencontre des Alliés dans la métropole économique du Maroc a été précédée par le débarquement de troupes américaines à Safi, Mohammedia et Kénitra le 8 novembre 1942. L’un et l’autre de ces deux événements majeurs dans l’histoire contemporaine, ont été déterminants à la fois sur la scène mondiale et la marche inexorable vers la chute du III° Reich mais aussi, de manière plus spécifique, dans l’évolution du Maroc et sa lutte pour le recouvrement de son indépendance.
Les liens unissant les deux pays se caractérisent de fait tant par leur ancienneté que par la diversité des domaines que couvre leur coopération au présent. Leur enracinement remonte au règne de Sidi Mohammed ben Abdallah (1757-1790), premier souverain en Afrique et dans le monde arabo-musulman à reconnaître les jeunes Etats-Unis malgré les risques encourus vis-à-vis des Anglais devenus ses voisins immédiats depuis leur mainmise sur Gibraltar.
C’est en 1786 que le souverain alaouite a scellé un traité avec les Etats-Unis. Ces derniers étaient attentifs de leur côté à la position stratégique du Maroc et au rôle de médiation qu’il pouvait jouer en Méditerranée occidentale entre eux et les Régences d’Alger et de Tripoli. Ils avaient dépêché à cet effet à Marrakech l’un de leurs diplomates en poste à Paris.
D’ailleurs, c’est pour assurer un siège permanent à leur consul- général ou leur chef de légation au Maroc que le sultan Moulay Slimane (1792-1822) leur a fait don en 1821 d’une maison à Tanger. Son bicentenaire a été commémoré en 2021. En 1986 c’est celui des relations maroco-américaines qui a été célébré sous le haut patronage du Roi Hassan II et du Président Ronald Reagan.
Au XIXème siècle et début du XXème, même si seuls de rares ressortissants américains étaient établis principalement à Tanger, les Etats – Unis n’en cherchèrent pas moins à resserrer leurs liens avec le Maroc. En témoigne le traité qu’ils ont conclu avec le sultan Moulay Abderrahmane ben Hicham à Meknès en 1836. Près de trois décennies plus tard, le Maroc répondit à leurs sollicitations et, dans le contexte de la guerre de Sécession qui dévastait leur territoire, accepta d’interdire l’accès de ses ports aux bâtiments des Confédérés sudistes. Ultérieurement, ils ont participé à deux conférences internationales consacrés au Maroc : celles de Madrid (1880) et d’Algésiras (1906) .
Les clauses de l’Acte d’Algésiras, notamment le principe de souveraineté du sultan et le régime dit de « la porte ouverte » et de « la liberté sans inégalité » allaient représenter la pierre angulaire de la diplomatie américaine à l’égard de la France au lendemain de l’instauration de son protectorat sur l’empire chérifien. Le State Department tarda à reconnaître ce régime, refusa l’abrogation des privilèges capitulaires octroyés à ses ressortissants et certains de leurs partenaires marocains.
Quelques uns parmi ces derniers étaient actifs au sein du mouvement nationaliste des années 1930-1940. Eux-mêmes et d’autres militants cherchèrent à se rapprocher davantage des Américains après le débarquement du 8 novembre 1942 puis à la suite de la rencontre, lors de la conférence d’Anfa, entre le sultan Sidi Mohammed ben Youssef et le président Franklin D. Roosevelt.
Ils furent d’ailleurs confortés, au début des années 1950, par la plainte déposée par les Américains devant la Cour Internationale de Justice contre la France pour atteinte aux clauses de la convention d’Algésiras.
Par la suite, les liens allaient se renforcer entre les deux pays dans le contexte de la guerre froide. Les USA appréciaient la position stratégique de choix du Maroc l’entrée de la Méditerranée et sur le flanc sud de l’Europe occidentale et de l’OTAN.
Les visites du Roi Mohammed V à Washington et du président Eisenhower à Casablanca furent autant de symboles de l’étroitesse des relations entre les deux pays. Le Roi Hassan II allait continuer sur la même voie, marquer encore davantage l’adhésion au camp libéral et, dans les Sommets arabes et islamiques ainsi que par son statut de Président du Comité Al Quds, jouer un rôle de première importance dans la recherche de solutions pacifiques au conflit du Moyen-Orient notamment à l’époque du Président Ronald Reagan. Aujourd’hui, le Roi Mohammed VI, Président du Comité Al Quds, continue d’entretenir des liens étroits avec les Etats-Unis, lesquels reconnaissent officiellement la souveraineté du Royaume sur ses provinces sahariennes et considèrent le Maroc comme un allié stratégique.
Sur le plan spécifiquement culturel et scientifique, l’un des traits majeurs de la coopération entre les deux pays réside dans la circulation des chercheurs des deux côtés de l’Atlantique. Le présent colloque représente à cet égard l’occasion d’une évaluation de leurs apports respectifs et de leur contribution à une connaissance approfondie des réalités marocaines.
Il s’agira aussi lors de cette rencontre d’essayer de traiter d’autres composantes des relations maroco-américaines. Et ce dans un environnement général marqué fondamentalement par l’émergence depuis quelque temps déjà d’un monde multipolaire et ses répercussions sur les relations bilatérales.